Sébastien Tran : les ambitions du nouveau DG d’Audencia

Audencia fait peau neuve et poursuit le renouvellement accéléré de sa gouvernance. Pour sa première rentrée à la tête de l’institution nantaise également présente à Paris, en Chine et au Brésil, Sébastien Tran place Audencia au centre du mercato des profils pilotant les Grandes Ecoles.

Après avoir annoncé la venue d’Alexandre Frachet (ICN BS) à la Direction Commerciale, l’école a scellé le recrutement de Denis Boissin (SKEMA) à la tête des Programmes, en remplacement de Nicolas Arnaud, parti à Rabat. 

Dans ce contexte de pleine transformation, NextEdu Europe rencontre le nouveau Directeur Général de l’école Sébastien Tran (anciennement DG du Pôle Léonard de Vinci, groupe récemment acquis par le fonds Ardian via AD Education) afin d’échanger sur les enjeux stratégiques de l’école, dans un marché toujours plus concurrentiel.

Vous avez une expérience extrêmement riche dans l’univers des Grandes Ecoles de commerce (Excelia, EM Normandie, ISC Paris, EMLV) et pas que (à travers le PULV qui possède également l’ESILV et l’IIM). Vous venez d’être nommé directeur général d’Audencia. Quel regard portez-vous après 8 mois de poste ? 

Mes premiers mois ont confirmé mes premières impressions, à savoir une école avec de très solides fondamentaux académiques et des équipes très engagées en interne, notamment sur les questions de Transitions Ecologiques et Sociales. Le positionnement d’Audencia basé sur l’hybridation, la RSE et le développement durable, l’international et la culture est très enrichissant pour développer de futurs projets. L’engagement et l’attachement des équipes est également très fort, et on sent que les collaborateurs ont pour la plupart rejoint Audencia aussi par conviction et pour certaines valeurs. Audencia est une école avec une très belle marque reconnue en France et à l’international, et qui possède un très beau potentiel encore de développement. 

L’école vivait un contexte très particulier suite à une forme de conflictualité interne exprimée sur un média disons... avide de gros titres. Comment avez-vous pu apaiser le contexte en interne ? 

L’école a connu une période compliquée auparavant mais le contexte avait commencé à s’apaiser un peu avant mon arrivée avec un nouveau DGA qui a assuré l’intérim avec l’ancien Président de l’Ecole. A mon arrivée, nous avons continué à être transparent au niveau des équipes sur les difficultés rencontrées et nous avons travaillé pour faire un diagnostic précis avec l’ensemble des parties prenantes dans une logique constructive. L’idée était aussi d’identifier des actions concrètes pour résoudre des problèmes et faire évoluer l’organisation interne de l’école. 

Nous avons en parallèle commencé une transformation de la culture interne de l’école. L’idée est d’avoir un pilotage plus décentralisé et agile, en mode projet avec des indicateurs de performance qui soient mieux définis. J’ai aussi modifié l’organisation interne de l’école, notamment le CODIR, et nous avons défini les chantiers prioritaires d’ici la fin du plan ECOS 2025, ce qui a permis de redonner une nouvelle dynamique. L’enjeu sera aussi d’être vigilant à l’avenir à l’alignement entre les projets de développement et les ressources à notre disposition, ce qui est un challenge pour l’ensemble des écoles dans un contexte très concurrentiel et très changeant (apprentissage, international, réglementation, etc.) 

En quoi diriger Audencia se différencie de vos expériences précédentes ?  

Ce qui distingue le plus Audencia de mes expériences précédentes, et c’est aussi l’intérêt de cette nouvelle aventure professionnelle, est le pilotage d’un établissement en statut EESC avec deux actionnaires qui sont la CCI Nantes Saint Nazaire et la CCI Vendée. L’ancrage territorial est très fort avec des ambitions importantes au niveau national et international. La dimension de « service public et d’intérêt général » est très présente dans notre gouvernance, ce qui dans le contexte actuel de l’enseignement supérieur, est un marqueur fort. Audencia doit être une sorte de « locomotive » du territoire pour attirer des étudiants mais aussi des entreprises tout en composant aussi avec d’autres acteurs dans le cadre de la politique de site. Je pense par exemple à Centrales Nantes qui est notre partenaire stratégique et avec lequel nous avons des programmes en commun. Il s’agit donc de piloter une école et déployer une stratégie en tenant compte d’un écosystème riche en termes d’acteurs 

Audencia est une des écoles les plus petites en termes de budget au sein du top 10. Peut-elle continuer de conserver son indépendance face aux Grandes Ecoles fusionnées comme SKEMA, NEOMA et KEDGE ? 

Bien que la question de la taille critique soit un sujet clé pour les écoles du Top 10, cela ne doit pas occulter aussi des questionnements sur l’efficience des organisations et la rentabilité des programmes. Certaines écoles peuvent avoir une taille importante et se trouver en difficultés sur le plan financier stricto sensu. Audencia possède encore un important potentiel de croissance organique et peut poursuivre son développement. Néanmoins, la question du périmètre de l’école fera partie intégrante des chantiers que nous ouvrons pour l’élaboration du futur plan stratégique 2025-2030, sachant qu’il existe plusieurs options possibles d’un point de vue stratégique.  

Le contexte est très difficile pour les plus petites Grandes Ecoles, qui voient leur croissance stoppée et qui se disent notamment pénalisées par la croissance des toutes meilleures écoles. Audencia fait partie des Grandes Ecoles n’ayant pas ce type d’enjeu à court et moyen terme. Comment percevez-vous cela ? 

L’enseignement supérieur est devenu très concurrentiel pour l’ensemble des Grandes Ecoles, et pas uniquement les plus petites. Il est clair que l’augmentation de la taille critique est un mouvement amorcé depuis plusieurs années par les écoles, notamment pour rester dans la compétition internationale, mais qui n’est pas sans conséquence au plan national. Il faut être réaliste quant à cet état de fait, à savoir que la porosité entre les « grappes stratégiques » d’écoles est plus forte notamment avec le développement d’une offre multi programmes qui va du Bachelor au DBA. 

Bien qu’il puisse exister une concurrence forte entre les écoles, notamment avec le développement d’une offre de plus en plus riche multi programmes, il existe aussi des mécanismes de régulation au niveau des banques de concours ou de la CEFDG, qui est d’ailleurs par exemple beaucoup plus attentive à l’ouverture de nouveaux sites ou de nouveaux programmes. C’est un sujet « politique » car nous avons besoin d’écoles sur l’ensemble du territoire mais peut être que cela passe aussi peut être par un repositionnement stratégique de certaines écoles sur certains publics ou segments.  

Le plan stratégique précédent arrive à son échéance l’an prochain. Quel bilan pouvez-vous tirer de ces dernières années ?

Il est encore un peu tôt pour tirer un bilan du plan ECOS car il reste un an, mais ce plan stratégique a eu le mérite déjà d’enrichir l’offre de portefeuille de programmes d’Audencia et de nous positionner très tôt sur les questions de TES avec la création de Gaïa. L’école a également franchi un cap au niveau international avec l’ouverture de campus en Chine et au Brésil. Le plan ECOS intégrait aussi le développement sur Paris, ce qui est indispensable pour une école du Top 10 compte tenu de la démographie étudiante et de l’attrait des candidats internationaux pour la capitale de la France.   

Comment voyez-vous Audencia dans 5 ans  ?

Audencia a toujours une école pionnière sur les grandes questions de société, que cela soit dans le domaine de l’hybridation des compétences ou des questions de Transitions Ecologiques et Sociales avec Gaïa, et il est important que nous poursuivions en ce sens avec le futur plan stratégique, notamment dans un monde de plus en plus complexe et polycrises. Notre mission ne consiste pas seulement à former des managers ou des créateurs d’entreprises mais aussi à donner les clés de décryptage des grands enjeux à horizon 2050 à nos étudiants pour en faire des citoyens éclairés, et cela quel que soit le programme. Nous sommes le dernier maillon d’un parcours éducatif avant l’entrée sur le marché du travail, et nous devons être contributeur à notre manière de la transformation de nos modèles de consommation et de production pour faire face aux enjeux écologiques et sociétaux. Une fois que nos étudiants sont diplômés, ils continueront bien entendu à se former mais ils auront moins de temps et de possibilité de prendre du recul. 

Audencia s’est récemment implantée à Saint-Ouen tout en abandonnant son projet d’intégrer la Bauer Box. Quel regard portez-vous sur cette ville en pleine transformation ? 

Nous ne pouvions pas rêver mieux que de nous installer à Saint Ouen, ville en pleine transformation sous l’impulsion d’un maire très dynamique et ambitieux pour sa ville. Nous le constatons au quotidien, que cela soit sur le plan culturel, sportif, culinaire et des entreprises, la ville est devenue très attractive. On peut citer par exemples l’installation de Tesla, de la Région Ile de France, du Bouillon du Coq de Thierry Marx, du futur campus hospitalier, de la Tony Parker Academy, etc. L’accessibilité de la ville, que cela soit avec la ligne 14, le RER C, la ligne 13 mais aussi les pistes cyclables contribuent à son développement et son attractivité. En tant qu’établissement d’enseignement supérieur, Saint Ouen offre un cadre idéal pour nos étudiants. Nous souhaitons d’ailleurs nous ancrer sur le territoire grâce à notre programme Sirius et en déployant des dispositifs spécifiques en partenariat avec la Mairie et la Région Ile de France. 

Campus d'Audencia à Saint-Ouen - Source : site de l'école

Peut-on imaginer d’autres développements d’Audencia ailleurs en France ? L’ESSCA a bien grandi en allant dans des marchés bien éloignés de ceux historiques (Angers et Paris) en ouvrant à Aix-en-Provence, Strasbourg, Lyon et même Malaga, Budapest ainsi que Shanghai !

Audencia a déjà des campus collaboratifs en Chine et au Brésil depuis plusieurs années maintenant. Ces campus permettent d’envoyer nos étudiants dans des programmes spécifiques mais aussi de recruter des étudiants locaux qui souhaitent rester dans leur pays. Nous souhaitons poursuivre cette politique d’internationalisation avec des partenaires locaux et nous menons une réflexion pour de nouveaux sites d’implantation à l’international. Cela fait d’ailleurs sens compte tenu de la démographie étudiante en France dans les prochaines années. L’international constitue l’un des relais de croissance pour l’école avec une difficulté lié à l’instabilité géopolitique de certaines zones.  

Comment percevez-vous la concurrence très forte des groupes privés financés par des fonds d’investissement ? Ils viennent sur le marché des écoles de commerce sans avoir les mêmes frais de fonctionnement, marqués notamment par une absence totale de recherche. 

La concurrence des groupes privés est de plus en plus forte sur certains segments de marché, notamment le post-bac, et elle cristallise beaucoup les débats au sein de différentes instances nationales. La problématique porte selon moi surtout sur le degré d’information (encadrement pédagogique, employabilité, services aux étudiants, etc.) dont dispose les candidats et les familles afin qu’ils ne soient pas déçus et ensuite enfermés dans des trajectoires dont il est difficile de sortir. Il y a un travail à faire d’information et d’orientation dans les lycées mais cela nécessite des moyens importants.

À titre personnel, je trouve regrettable aussi que l’on ne mette pas plus de contrôle en amont pour la création d’une école car les dispositifs d’évaluation sont couteux et difficiles à appliquer dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint. Il est très facile d’ouvrir une école, or je considère encore que l’enseignement est un secteur singulier qui doit être protégé pour éviter les dérives. Il est aussi difficile de voir parfois l’implantation d’écoles sur nos territoires sans contraintes et de façon anarchique. Par exemple, pour notre école de communication Sciences Com, la concurrence a été multipliée par 3 en quelques années à Nantes. Je pense que l’on doit aussi être clair sur les types de métiers et carrières à moyen terme à la sortie du cursus car c’est aussi là que ce fait la différence entre des écoles professionnalisantes et des écoles plus académiques. Or, on a tendance à raisonner souvent à très (trop) court terme lorsque l’on hésite entre des écoles ou des programmes. 

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